La filière cacao équitable connaît une croissance exceptionnelle, en particulier en Côte d’Ivoire. Avec près de 265 coopératives certifiées commerce équitable (majoritairement Fairtrade) sur le cacao en Côte d’Ivoire, la filière commerce équitable représente aujourd’hui environ 10% du cacao produit annuellement.
La pauvreté endémique des producteur.ice.s de cacao
La filière cacao ouest-africaine engendre des situations de grande pauvreté pour les producteur.ice.s et leurs familles, et des conditions de vie indécentes. Si la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao, dont 20% des consommateurs de chocolat dans le monde dépendent, les cacaoculteur.trice.s ne gagnent en moyenne que 0,5 dollars par jour en 2018, les plaçant ainsi en dessous du seuil international de pauvreté fixé à 1,90 dollars par la Banque Mondiale, et seulement 9,4% des ménages des producteur.ice.s de cacao ont des revenus supérieurs au revenu de subsistance (Cocoa Barometer, 2018).
Au Ghana comme en Côte d’Ivoire, les prix volatiles du cacao ont globalement chuté depuis 30 ans. Il est depuis 5 ans vendu entre 1700 $ et 2800 $ la tonne alors que son prix atteignait 4000 $ à 5300 $ dans les années 1980. De plus, seuls 6,6 % de la valeur d’une tablette de chocolat vendue en Europe ou aux États-Unis reviennent aux cultivateur.trice.s de cacao : le reste revient presque entièrement aux entreprises de l’aval de la filière: négociants, chocolatiers et détaillants (Mighty Earth, 2018).
Une filière exposée au travail des enfants
Dans les zones rurales de production du cacao, les situations de pauvreté endémiques dans lesquelles vivent les familles de producteur.ice.s ont des conséquences graves sur la vie des enfants. En plus de l’insécurité alimentaire, du manque d’infrastructures scolaires, et du difficile accès aux soins médicaux auxquels ils font face, les enfants sont régulièrement mis au travail dans les plantations de cacao. Les producteur.ice.s, cherchant à les former au métier, mais surtout à réduire le coût de la main d’œuvre sur l’exploitation familiale n’ont d’autres choix que de mettre à contribution leurs jeunes enfants (Le Basic, 2016). La trop faible rémunération des cacaoculteur.trice.s les empêche en effet d’engager de la main d’œuvre ouvrière qualifiée.
Il est estimé que 1,56 millions d’enfants travaillent aujourd’hui dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana (Rapport de NORC, 2020).
Une déforestation qui se poursuit
La demande mondiale de cacao ne cesse de croître, à raison de 2 à 5% par an (Mighty Earth, 2017), entraînant une hausse de la production mondiale. Or, la cacaoculture est un agent important de la déforestation, et l’impact environnemental de la filière est aujourd’hui un risque majeur pour la durabilité des ressources naturelles. Au Ghana et en Côte d’Ivoire, la cacaoculture a été identifiée comme le premier facteur de la déforestation.
Les forêts ivoiriennes occupent aujourd’hui moins de 11% du territoire, et moins de 3,7% d’entre elles sont des forêts denses (Mighty Earth, 2017). Au Ghana, le cacao est responsable d’un tiers de la déforestation du pays, et le taux de déforestation atteint 2% par an (Cocoa Barometer, 2018). Cela a entraîné la perte d’une grande partie des populations de primates et d’éléphants abritées par les forêts denses ouest-africaines.
En 2018, 14 000 hectares de forêt ont disparu dans ces deux pays au profit de la culture du cacao, soit l’équivalent de 15 000 terrains de football (Mighty Earth, 2018).
Les alternatives existantes
L’agroforesterie
L’agroforesterie désigne les pratiques, anciennes et nouvelles, qui associent arbres ou arbustes avec des cultures et/ou de l’élevage sur une même parcelle agricole. L’agroforesterie a des impacts à l’échelle de la parcelle elle-même (ombrage, fertilisation), de l’exploitation (où les arbres peuvent fournir du bois, un abri, des produits pour diversifier les revenus) et à l’échelle du paysage (où la forêt, combinée à l’agriculture, procure des services écosystémiques).
Ce système de production permet de trouver un équilibre entre plusieurs besoins :
- La production de bois ;
- La production d’une nourriture variée pour répondre à la demande mondiale ;
- La protection de l’environnement pour qu’il continue à produire des ressources et procurer durablement ses services environnementaux.
L’agroforesterie implique un large panel d’essences et d’arbres, qui peuvent être issus d’une plantation, être protégés d’une ancienne forêt, ou encore issus d’une régénération naturelle. Ces arbres peuvent avoir plusieurs fonctions dans l’agrosystème : ombrage, stockage de carbone, production de denrées agricoles, fertilisation des sols, production de bois, abri pour la faune, etc.
La production de cacao en systèmes agroforestiers repose sur une association des cacaoyers avec des arbres forestiers et fruitiers ainsi que diverses cultures vivrières (bananiers, ignames, divers légumes …). Ces systèmes sont plus résilients et permettent de renforcer la biodiversité cultivée et donc de diversifier les sources de revenus via la vente des productions vivrières, des fruits et du cacao. Ils confèrent enfin une « stabilité géographique » du système de culture, les producteur.rice.s n’ayant aucun intérêt à obtenir de nouvelles parcelles en ayant recours à la déforestation puisqu’ils doivent entretenir puis exploiter les arbres fruitiers et forestiers (Akpi, Fraké, Iroko, etc.) qui sont associés aux cacaoyers.
La double certification commerce équitable et agriculture biologique
L’accès à de nouveaux marchés commerce équitable, la diversification des clients, le développement des volumes vendus aux conditions du commerce équitable, sont des priorités pour l’immense majorité des coopératives cacao certifiées commerce équitable. Les prix sont plus rémunérateurs et le paiement de la prime de commerce équitable apporte des financements à la coopérative pour son fonctionnement, pour la mise en œuvre de projets et pour mieux rémunérer les producteur.ice.s.
Les coopératives qui obtiennent la certification Agriculture Biologique bénéficient également de prix plus rémunérateurs et reçoivent la prime Agriculture Biologique. Cela encourage l’adoption de pratiques environnementales vertueuses, qui facilitent la réhabilitation des sols et améliorent la santé du producteur.ice. La demande croissante pour le cacao biologique au niveau mondial diversifie les débouchés commerciaux des coopératives positionnées sur ce segment de marché.
Le renforcement des capacités commerciales, administratives et de communication des coopératives, la création de supports de présentation ou de visibilisation de l’offre de produits et l’accès aux financements sont autant de leviers à actionner par les coopératives pour développer leur marché.