En Afrique de l’Ouest, la filière karité subit une forte pression due à la déforestation, au dérèglement climatique, à la prolifération du Tapinanthus dodoneifolius (liane parasite), à sa mécanisation et aux projets à grande échelle. Gérée durablement, la filière est aussi porteuse d’espoir, dans une double dimension écologique et sociale. Elle est particulièrement représentée dans les pays situés dans la bande sahélienne. C’est une filière typiquement féminine à haute valeur ajoutée présentant des perspectives de marché favorables en Europe, notamment sur les segments de marché équitable et bio.
Une filière emblématique de la zone soudano-sahélienne
L’arbre à karité est un arbre fruitier semi-domestiqué qui prend vie dans l’ensemble du paysage : terres de culture, savanes arides et forêts (dans lesquelles sont parfois mis en place des parcs agroforestiers pour mieux les protéger), sur une bande d’environ 5 000 kilomètres à travers 16 pays africains du Sénégal à l’Ethiopie.
L’Afrique de l’Ouest compte plus d’1 milliards d’arbres à karité couvrant 1,7 millions de kilomètres carrés. La filière karité est ainsi emblématique de la biodiversité de la zone soudano-sahélienne. Produit de la cueillette, la noix de karité passe par plusieurs processus de transformation avant qu’en soit extraite le beurre de karité, un ingrédient dont la demande sur les marchés internationaux cosmétiques est croissante. L’exportation totale de la région ouest africaine était estimée à 350 000 tonnes équivalent noix de karité (incluant noix et beurre) en 2011. Le premier pays producteur et exportateur de beurre de karité est le Mali, avec 21% du marché, suivi de près par le Burkina Faso (20%), puis par le Ghana, le Nigeria et la Côte d’Ivoire.
Un potentiel d’atténuation des changements climatiques
Le karité est doté d’un fort potentiel d’atténuation des changements climatiques en Afrique de l’Ouest, une vertu souvent méconnue. Actuellement, la chaîne de valeur du karité permet de fixer 1,5 millions de tonnes de carbone (CO2) par an, en sachant qu’un français émet entre 10,6 et 12,8 tonnes de CO2 par an, et qu’un arbre stocke en moyenne 35 kg de CO2 par an. De plus, les arbres à karité poussent naturellement et sont intégrés avec les autres cultures annuelles, créant un paysage agroforestier qui sert de puits de carbone.
Une filière d’importance pour les femmes
En Afrique de l’Ouest, le karité est le domaine des femmes, depuis les activités de collecte jusqu’à celles de la commercialisation, en passant par la transformation. La filière leur assure ainsi des revenus importants, pour autant que le produit final ait une certaine qualité, et que sa commercialisation se fasse dans de bonnes conditions. Des hommes collaborent avec les Unions et coopératives de karité à des postes techniques (transformation, notamment), sous la direction des instances de ces organisations, majoritairement dirigées par des femmes.
Le karité est l’une des rares ressources auxquelles les femmes ont accès. Huit millions (8 000 000) de femmes en Afrique de l’Ouest sont impliquées dans les activités associées au karité. Grâce aux activités de ramassage et de transformation, le karité leur permet d’accéder à un revenu et d’avoir un statut social reconnu au sein de leur communauté. En 2018, chaque journée de travail a généré 1,9 USD de valeur ajoutée pour les femmes. Le karité est une culture importante pouvant représenter jusqu’à 12% du revenu total des ménages et jusqu’à 32% des ressources disponibles des femmes.
Une demande internationale
Le commerce des amandes et du beurre de karité a atteint une envergure mondiale au fil des deux dernières décennies. L’industrie alimentaire (les secteurs de la confiserie et de la boulangerie, notamment comme substitut alimentaire possible au beurre de cacao dans l’industrie chocolatière) utilise environ 90% de l’approvisionnement mondial tandis que le reste est absorbé par l’industrie cosmétique, où on constate une demande croissante en ingrédients naturels, notamment concernant les lipides.
Le marché est en pleine expansion avec une augmentation de plus de 600% au cours des 20 dernières années et une croissance estimée à près de 50% au cours des 5 prochaines années.
Le beurre de karité certifié biologique représente un segment important de la demande, permettant de compléter l’offre de labellisation biologique des marques (un produit cosmétique biologique doit contenir au moins 95% du poids des ingrédients hors eau en ingrédients biologiques). Le Burkina Faso, notamment, a une bonne expérience de l’exportation de karité biologique. Le label de commerce équitable, Fair For Life, certifient la très grande majorité des coopératives de karité.
Une filière urgente à préserver
Les populations d’arbres à karité en Afrique de l’Ouest subissent des pressions fortes causées par plusieurs facteurs parmi lesquels :
- La pression démographique pousse l’homme à dégrader le couvert végétal, dont les parcs à karité, afin d’utiliser le bois des arbres pour se chauffer et avoir accès à une terre cultivable ou constructible
- A cela s’ajoute l’exposition de la ressource (jeunes plants de karité plus particulièrement) aux animaux d’élevage et à certains parasites, qui peut être atténuée par l’aménagement de parcs à karité qui doivent être sécurisés et entretenus, une activité à haute intensité de main d’œuvre
- Les parcs à karité se régénèrent pendant les périodes de jachères. [BC3] Seulement, ces périodes sont de plus en plus réduites, accentuées par la sécheresse, la mécanisation et le déboisement pour le charbon de bois
- En lien avec les périodes de sécheresse de plus en plus récurrentes, on observe des feux de brousse, qui sont un fléau eu égard à leur récurrence, leur amplitude et leur intensité
- Le gui africain (Tapinanthus dodoneifolius), plante parasite s’attaquant aux pieds de karité est connu comme étant une menace pour les parcs
En plus de ces enjeux propres à la matière première, la filière fait face au défi de rationaliser le processus de transformation, d’améliorer son efficacité énergétique et de proposer un beurre de karité répondant aux exigences qualitatives du marché international.
Dans les pays producteurs d’amandes et de noix de karité, plusieurs projets ont vu le jour pour répondre à ces pressions. Les coopératives s’organisent en effet pour produire du karité biologique de qualité intégré dans des systèmes agroforestiers et créent des dispositifs collectifs de valorisation des résidus de production du beurre de karité, afin de réduire l’utilisation du bois de chauffe. Certaines mettent aussi en place des parcs à karité protégés et/ou gérés collectivement en partenariat étroit avec les différents acteurs locaux, et promeuvent l’apiculture et l’accès au marché du miel, permettant une diversification des revenus tout en assurant la pollinisation des arbres à karité et le renouvellement de la ressource.
Le programme Equité 2 accompagne neuf organisations de producteur.ice.s de karité au Mali et au Burkina Faso dans la mise en œuvre de leurs projets pour promouvoir de telles initiatives.