Protéger les forêts sans laisser les producteur·rices dans l’ombre

7 novembre 2025
4 min

Alors que la date butoire d’application du RDUE du 31 décembre 2025 approche, Agronomes & Vétérinaires Sans Frontières, Ethiquable et Commerce Equitable France plaident pour une mise en œuvre juste et efficace du RDUE. Il faut pouvoir concilier deux impératifs indissociables : l’urgence climatique et la prise en compte des réalités des familles paysannes. 

Entre exigence environnementale et justice sociale

La très grande majorité des cacaoculteurs et cacaocultrices travaille sur de petites parcelles, souvent sans titres fonciers et sans moyens techniques suffisants pour répondre aux exigences de traçabilité du RDUE. Ils vivent dans des situations de précarité économique, en raison de conditions commerciales défavorables et instables, qui ne leur permettent pas de dégager les financements nécessaires à la mise en conformité des  exigences du RDUE. 

Dans certains pays, la mise en conformité pourrait coûter jusqu’à 100 € par tonne, comprenant des coûts de gestion récurrents, dans un contexte où plus de 50 % des producteurs vivent sous le seuil de pauvreté. 

Le risque est donc réel : voir des milliers de familles s’appauvrir pour pouvoir répondre aux exigences du marché européen, alors même qu’elles n’ont pas participé à la déforestation récente.

Construire une transition inclusive

Pour que la lutte contre la déforestation soit à la fois opérationnelle et équitable, plusieurs leviers doivent être activés :

  1. Un accompagnement technique et financier renforcé, porté par les États, les acheteurs et la coopération internationale, pour soutenir la mise en conformité des coopératives
  2. La reconnaissance et l’interopérabilité des systèmes de traçabilité existants dans les filières bio et équitables, afin d’éviter une double charge administrative.
  3. Le contrôle des données de traçabilité par les producteurs eux-mêmes, pour prévenir toute dépendance accrue vis-à-vis des grands exportateurs.
  4. Des pratiques d’achat, indispensables à une transition agroécologique réelle : avec des prix stables qui couvrent les coûts de production et des contrats pluriannuels qui facilitent l’accès aux financements des coopératives.

Ne pas freiner la dynamique engagée

Depuis plusieurs années, les acteurs du commerce équitable, les coopératives et certains Etats producteurs ont investi massivement pour rendre la filière cacao plus transparente et contribuer à en finir avec la déforestation. 

Le dialogue politique en cours au niveau de l’Union européenne doit consolider ces efforts et non les fragiliser par un nouveau report de la date de mise en œuvre ou par une remise  en cause du contenu du texte. Si certains ajustements techniques sont pertinents pour des questions d’efficacité économique tels que la suppression de l’obligation de déclarations de diligence raisonnée pour les opérateurs en aval, ils doivent se faire sans briser la dynamique collective ni compromettre l’effectivité de la protection des forêts. Surtout, ces changements ne vont probablement pas bénéficier aux producteur·rices situé·es en dehors de l’Union européenne. 

Il est désormais crucial que l’Union européenne porte une attention accrue aux besoins des acteurs situés hors de son territoire : la mise en place d’outils d’accompagnement technique et financier qui bénéficient également aux producteur·rices situés en dehors de l’Union européenne est absolument indispensable.

Protéger les forêts est une urgence. Mais le faire en soutenant les producteurs, et plutôt qu’en les précarisant, est une condition essentielle de succès.

Pour aller plus loin : Pour un RDUE opérationnel, efficient et inclusif, Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières et Ethiquable, octobre 2025